Madame L. est enseignante. Comme tant d’autres, elle a été recrutée dans les Ardennes avec un contrat précaire de professeure contractuelle pour pallier les suppressions de poste dans l’éducation nationale. Madame L. originaire du Gabon vit depuis deux ans en France. Elle avait un titre de séjour qui lui permettait de travailler. En janvier 2020, elle a porté plainte contre son mari qui la violentait. Au lieu de lui proposer une aide médicale et de constater ses blessures, elle a été placée dans un foyer destinée aux jeunes et aux familles immigré.es. A ce jour, sa plainte n’a toujours pas été traitée. Aujourd’hui, c’est son titre de séjour qu’on lui retire, lui interdisant désormais de travailler et de transmettre son savoir, et l’assignant à quitter le territoire français.
Madame L. n’est pas la seule à subir ce type de traitement cynique et injuste dans les Ardennes. Isabel est une collégienne de 15 ans, arrivée il y a un peu plus d’un an et scolarisée à Charleville-Mézières. On lui ordonne aujourd’hui de repartir avec ses petit·es frères et sœurs vers l’Angola, alors qu’elle a appris le français en un temps record. C’est également N., un élève majeur de Terminale, scolarisé depuis deux ans à Revin, à qui la Préfecture interdit de passer le baccalauréat pour le renvoyer en Géorgie avec sa petite sœur T., mineure et scolarisée en Seconde, alors même que tout·es leurs enseignant·es soulignent les efforts et les progrès extraordinaires réalisés depuis leur arrivée.
Ce sont également des anciens Mineurs Non Accompagnés, devenus majeurs, qui se voient refuser un titre de séjour alors que la plupart d’entre eux sont formés, diplômés et prêts à s’insérer socialement et professionnellement ! Dans les Ardennes, de jeunes apprentis restent sous la menace permanente d’une rupture de contrat et sont dans l’attente d’une régularisation qui ne vient pas…
La communauté enseignante ne peut mener à bien ses missions face à de telles situations. Les politiques d’interpellation de ces jeunes vont jusqu’à faire irruption dans les salles de classe, comme ce fut le cas en juin 2021 pour cet élève d’un collège sedanais, expulsé dans un autre pays européen, malgré une mobilisation d’une grande ampleur, et les menaces pesant sur lui et sa famille, en cas de retour en Afghanistan.
Là où l’école devrait être un lieu de solidarité, nous assistons médusé·es à une multiplication des atteintes flagrantes au droit à l’éducation. Face à cela, les jeunes et les enseignant·es se trouvent isolé·es et démuni·es. Les luttes restent trop souvent silencieuses, solitaires et épuisantes. Nous devons sortir ces situations de l’anonymat pour faire respecter les droits dont devraient pouvoir bénéficier chaque enfant et chaque être humain.